vendredi 16 janvier 2015

La cataracte

Baisse progressive de la vue, trouble de la vision des couleurs, gène face à la lumière vive... Les signes de la cataracte apparaissent dans la grande majorité des cas avec...
Le choc abominable du 7 janvier a suscité des réactions spontanées d'une grande sincérité, une forme de découverte, de mise à nu d'une sensibilité citoyenne et républicaine inconnue depuis bien longtemps. Peut-être faudrait-il remonter aux grandes manifestations pour la paix du siècle dernier pour retrouver la ferveur manifestante exprimée ces derniers jours quand les parents avaient l'âge de leurs enfants...

C'est un peu comme une opération de la cataracte...
La vision citoyenne et républicaine s'était insensiblement dégradée au fil des échéances électorales et des discours politiciens opacifiant la conscience politique et troublant la vision des couleurs. 
Cette cécité grandissante avait même complètement détourné du goût de la lecture des urnes la moitié des électeurs, si bien que la part des extrémistes fanatiques de la haine, de la violence et de l'exclusion paraissait grandissante au point de produire le mirage de l'arrivée de sa caricature grimaçante à l'Elysée.

L'imprévisible imprévu a complètement désemparé celles et ceux qui avaient pris l'habitude de jouer leur petit jeu politicien à l'ombre du voile opacifiant de la cataracte. Complètement désemparés ils ont d'abord suivi le penchant démago de leur nature profonde pour flatter l'assentiment populaire et faire oublier toute forme de responsabilité dans l'ordre des causes. Mais l'unanimisme initial ne résiste pas longtemps aux intérêts particuliers affichés à toutes les pages des prochains agendas électoraux. Les uns poussent les feux de leur penchant attrape tout vers l'extrême droite pendant que les autres s'imaginent cuisiner à gauche en faisant leur marché sur les étals défraîchis de la droite.
Le parallèle avec l'après 11 septembre des Etats-Unis ouvre quelques pistes à la compréhension du monde de la barbarie qui produit de tels cataclysmes, mais il en coupe aussi les suites des origines. Toute conséquence à tirer de ce drame incommensurable doit impérativement s'inscrire dans l'histoire et s'écrire à l'encre du passé plutôt qu'à sa gomme.
Que doit-on redécouvrir, voir et comprendre : dans la République LAÏQUE française, la propension à propager le fait religieux dans le débat public, à instrumentaliser la discrimination communautariste a complètement occulté, voire même dénaturé le fait LAÏQUE, pilier fondamental de notre République. 
Et l'école dans tout ça ? La LAÏQUE souffre deux fois dans la tourmente ; elle souffre de la difficulté à faire prendre la mesure et comprendre, mais elle saigne encore plus des dérèglements comportementaux qui s'insinuent jusque dans ses murs quand les consciences décervelées sont imperméables à la compassion. 
Cette dérive est habituelle dans notre histoire ; le passage bref de Jacques Chevalier, catho intégriste, au ministère de l'éducation de Pétain avait gommé la laïcité ; plus tard ce n'est pas le hasard qui fait porter le nom de Debré à la loi qui redonne l'argent public à l'école privée, etc. La droite de France et d'ailleurs, et son extrême encore plus, ont toujours fait bon ménage avec la religion, la croyance justifiant l'absolution des pires comportements ; le temps des guerres coloniales et de ses "missions civilisatrices" l'illustrerait volontiers.
Sans remonter aux croisades qui étaient tout aussi télescopiques dans leur histoire que les guerres d'Irak plus modernes, ni aux guerres de religions dans lesquelles le Dieu-tout-Amour demandait instamment qu'on trucide son prochain dans le raffinement extrême de l'écartèlement, de la roue, du bûcher ou de la décapitation... tous charmants dispositifs charitables remis au catalogue des supplices ordinaires.
Le concubinage insolent du politique et du religieux n'a jamais produit que des monstres et fait couler le sang. Et quand la République s'est détachée des églises au début du siècle dernier, c'était bien le geste juste dans le continuum post révolutionnaire du siècle précédent qui avait enfanté cette forme de démocratie populaire ; la seule idole républicaine, c'est le peuple, ce collectif qui fait société pour peu qu'on l'autorise à être libre, protégé de l'impérialisme prosélyte des religions.
La croyance religieuse reste une liberté individuelle parmi d'autres, elle n'est pas LA Liberté. Quant à la chose politique, elle se doit de s'extraire de la contingence des croyances sauf à en être l'otage et l'instrument vacillant d'un dieu à l'autre au gré du vent céleste et de l'art de plaire.
Plus de cataracte ? à voir au taux de participation et aux résultats des prochaines échéances... si le choix s'y prête.

Aucun commentaire: