La Revue du Projet est bien bonne à lire ; mais c'est une autre lecture qui pousse à la réflexion sur la ruralité...
« Des villes qui ne sont ni assez grandes pour participer à la
métropolisation économique ni assez petites et rurales pour s’inscrire
dans un renouveau rural porté par les migrations d’agrément. » Magali
Talandier, chercheuse urbaniste de l’université Joseph-Fourier de
Grenoble...
Taratata ! blabla ! gna-gna ! turlututu... la chercheuse a trouvu !
Il aura fallu que le site du Cidefe relaie un article des Echos pour que nous nous "rencontrions" avec Magali sur l'écran de la toile...
Et ce fut un ravissement ! Pensez donc, le rural un tantinet bouseux né ici au milieu du siècle dernier et toujours pourvu d'un solide appétit d'y vivre vient de découvrir que la nouvelle ruralité, renouveau rural des néo ruraux passait par les "migrations d'agrément" !!!
Je me suis dans l'instant retrouvé transporté chez le Glaude avec le Bombé partageant la "Soupe aux choux" avec la Denrée... Et puis de l'autre côté du grillage comme à Vincennes au temps du zoo à l'ancienne, le regard perdu entre souvenirs, projets et figures blêmes de curieux cherchant désespérément à se refaire une virginité sur le compte de notre expérience.
"migrations d'agrément"... c'est qu'elle en a des agréments notre nouvelle ruralité, avec ses services publics momies en sarcophages de gares fantômes, de postes délocalisées en mairies ou en épiceries, d'écoles fermées ou suspendues au "ramassage scolaire" du RPI, avec ses petits sujets de la banque qui se croient agriculteurs après s'être gavé des terres des paysans pour les parcourir du haut des cabines climatisées au rendez-vous du GPS... sans compter ses circuits touristiques qui vont exhumer le souvenir des nobliaux d'avant-hier frémissant sous la pierre des bourgeois d'aujourd'hui restaurée à grand coup d'argent public.
La campagne d'aujourd'hui n'a plus de logements de fonction pour ses instituteurs - privilège indécent du fonctionnaire heureusement abrogé !!! - mais elle a de l'agrément pour des professions libérales qui viennent en Bernard-l’ermite occuper les espaces publics construits pour qu'ils daignent prospérer en campagne...
Migrations d'agrément sans doute aussi celles des familles en déshérence depuis que la désindustrialisation du pays et le chômage de masse avait condamné leurs parents aux expédients de l'aide sociale, et qui sont promenés par agrément sans doute d'un lotissement à un autre...
Complètement dépassé, sans doute ! ... et pourtant j'ai le sentiment de n'avoir jamais vécu que pour demain, bien nourri du passé ; les pieds sur terre aujourd'hui pour un demain de progrès, de justice et de RESPECT.
Et d'un coup, en lisant ou en écoutant ces verbiages pro-forma de nos élites qui promettent des lendemains qui chantent les louanges de la nouvelle ruralité et de ses migrations d'agrément, j'ai comme l'impression d'entendre un vieux copain disparu cet hiver, et qui, évoquant le nécessaire accompagnement à domicile qui lui permettait de rester dans sa maison :
"tu sais, on dit le maintien à domicile, mais avec tout ce qui doit passer dans la journée, pas toujours les mêmes ni à la même heure, même s'ils sont bien gentils, on se sent plus bien chez nous non plus..."
De la même façon que la ville d'aujourd'hui est dure à vivre à la majorité des citadins, les campagnes de France ont échappé aux ruraux qui les peuplaient au fur et à mesure où on en a déménagé les activités structurantes et en particulier l'agriculture paysanne et tous les services qu'elle sollicitait au profit d'une industrialisation de la vache et des poules.
Quand va-t-on redécouvrir les vertus du travail qui fait que les hommes font société ?
Il est très agréable d'accueillir des artistes rénovant de vieux murs pour épanouir leurs talents dans une tranquillité campagnarde... Il est formidable de voir s'installer un fabricant de tisanes, un écrivain ou un ami des abeilles ; et la terre des campagnes est par nature accueillante et ouverte. Encore faudrait-il lui épargner la ruine en s'imaginant que les nouvelles ruralités doivent faire table rase de leur passé, de leur histoire, et de leur utilité nourricière.
Les terres des campagnes, les taillis, les forêts, les prairies et les champs, les vignes ou les vergers et les bestiaux ou autres volailles sont bien là pour nourrir l'humanité...
Désormais le jardinier de la nature et agri-manager réuni a les yeux rivés sur l'écran des cours de bourse pour acheter meilleur marché et vendre plus cher...
C'est comme ça que des grands penseurs ont découvert il y a peu que les ambitions boursicoteuses des céréaliers avaient mis les éleveurs en carafe ; il fallait au moins avoir fait sciences-po et redoublé l'ENA pour se convaincre de cette curiosité...
Alors pourquoi organiser les "migrations d'agrément" du capitalisme qui fait migrer les haricots verts de chine vers l'Europe d'un bout de l'année à l'autre, les cerises d'Afrique du Sud à Noël, les fraises d'Espagne ruinant la culture de leurs petites soeurs françaises, les migrations d'agrément des cochons bretons vers les abattoirs allemands, du fromage d'Aveyron en Italie avant qu'il ne revienne étiqueté plein sud, les champignons de Paris polonais ou hollandais, le boeuf hormoné des Etats-Unis ou le cheval d'Europe de l'Est pour les lasagnes pur boeuf...
Pas de doute, les agences de voyage très spéciales qui organisent les migrations d'agrément repeuplant les campagnes françaises ont tout l'avenir devant elles, tant que les ruraux n'auront d'autre chat à fouetter que de singer l'urbain.
Privilège rare peut-être, j'observe avec beaucoup de gourmandise les migrations d'agrément des légumes du jardins jusqu'à la table de la cuisine ; sans compter les échanges locaux qui font autant de migrations naturelles pour qui sait que le monde rural est le premier lieu du partage.
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