Avec le plus que parfait, la conjugaison nous offre une solution pour parler de ce qui est bien installé dans le passé, bien fini d'accomplir.
Avec le Front de Gauche aujourd'hui il va nous falloir conjuguer un plus qu'à parfaire ou plus que futur à installer dans l'avenir presque proche d'après les législatives.
La stratégie du Front de Gauche, jusqu'à présent tactique électorale appliquée à plusieurs échéances, européennes de 2009, régionales, cantonales et aujourd'hui présidentielles et législatives, n'a pour l'instant pas dépassé la sphère des élus en terme d'organisation. L'objet est ressorti en amont de l'élection pour éviter aux candidats d'être comptables ou redevables de leur formation d'origine. Il est ensuite ajouté à l'intitulé du groupe d'élus issus du scrutin, en attendant d'être à nouveau ressorti à l'échéance suivante.
C'est bien dans cette acception du fonctionnement du Front de Gauche qu'on ne peut reconnaître qu'une tactique réitérée dans la conduite des processus électoraux du local au national. Le Front de Gauche figure bien le rassemblement électoral autour de l'organisation Parti Communiste Français, de quelques nouvelles organisations issues aussi bien du PCF que d'autres partis de gauche (PS, NPA) et ouvert à d'autres soutiens de campagne.
La tactique est bien l'art de la manoeuvre visant à combiner l'action des différents moyens à disposition pour obtenir le plus d'efficacité dans le résultat. C'est bien là une marque de réussite, pour l'instant au niveau de la méthode dans l'attente du résultat.
La stratégie couvre un espace plus large dans le temps ; elle n'est pas attachée et réduite à un moment particulier de la lutte servi par la tactique opportune, mais couvre bien plus l'ensemble d'une visée prise dans sa complexité. La stratégie doit d'abord s'ouvrir sur un état des lieux statuant sur les forces et faiblesses de chacun ; ensuite elle intègre les enjeux de la lutte et finalement vise autant à bien manoeuvrer ses forces qu'à exploiter les faiblesses de l'adversaire pour dessiner un après qui ne se résume pas au communiqué de la victoire, mais à la conduite de l'avenir.
Quand la tactique vise la victoire, la stratégie vise l'établissement du changement consécutif à la victoire. La stratégie contient en germe le modèle de l'après.
Jusqu'à maintenant, la construction du Front de Gauche à géométrie très variable (cf. les dernières élections régionales) ne risque pas d'accéder au stade de l'objet stratégique. Sauf si l'échéance présidentielle en est l'ultime exercice préfigurant la création d'une nouvelle entité politique, une forme de nouveau parti jusque là niée dans les discours, mais qu'on sent poindre entre les lignes des tribunes de Jean-Luc Mélenchon qui se dit désormais investi par l'engouement populaire que suscite sa campagne d'un nouvel avenir à donner au mouvement.
Déjà des indices concordants pointent à l'horizon des toute prochaines législatives : des candidats communistes ont totalement gommé leur appartenance au PCF (si tant est qu'elle demeure !) pour n'en référer qu'au Front de Gauche. Au-delà du résultat électoral pour ce qu'il est d'abord, (accéder à la représentation ), qu'ens sera-t-il des effets, et très trivialement des conséquences matérielles, du financement public des formations politiques qui est attaché par le législateur au score électoral ?
Je ne connais pas pour l'instant de "Pésident" ou de "secrététaire général" du Front de Gauche ; encore moins de "trésorier" d'une organisation qui n'a pas d'autre existence que celle d'un rassemblement électoral.
Je ne sais pas non plus si dans les clauses initiales de l'accord fondateur du Front de Gauche il en est une qui stipule l'autodissolution des parties dans la nouvelle masse à instituer comme parti dans le paysage politique du pays.
Je ne sais pas si la visée organisatrice est fédérale ou confédérale, avec adhésion à la carte en fonction des dossiers ou nécessairement globale...
Je ne sais pas si, parmi les partenaires du Front de Gauche, les éléments tels que le Parti de Gauche, la Gauche Unitaire ou la FASE ont comme perspective de se dissoudre dans une nouvelle entité ou s'ils privilégient la conquète d'espaces et d'influence dans le conglomérat, et au dépens de qui...
Je ne sais pas non plus ce que sont les perspectives réelles des dirigeants du PCF qui ont engagé le processus tout en repoussant l'échéance du congrès de leur parti et par là même le débat interne des adhérents, cette démarche ayant au moins pour eu l'avantage pour l'instant de n'avoir pas de comptes à rendre ni de bilan à produire en se laissant porter de vague électorale en vague électorale.
La production de ligne idéologique dans tout ça ?
Alors, pour ce qui est du futur plus que parfait du Front de Gauche, comme du Parti Communiste Français, la conjuguaison n'est pas encore établie.
La perspective à l'espagnole, l'italienne ou l'allemande qui n'a pas réussi jusqu'à présent en France sous les coups des différentes vagues refondatrices, renovatrices ou réformistes ne sont-elles pas en germe dans l'actualité du Front de Gauche ? Encore difficile à dire aujourd'hui ; sauf si on s'en réfère aux acteurs majeurs du système : les élus et leurs équipes de supporters, ce sont les mêmes qui ont plus ou moins phagocité les organes de direction du parti et qui cuisinent le pâté d'alouette "Front de Gauche" du niveau local au national.
L'impérieuse nécessité du changement instrumentalisée par certains pour s'approprier le terrain des communistes, vouer les constructions historiques de ce parti à la démolition pour mieux y établir quelque auberge espagnole susceptible d'abriter tous les abandonnés d'ailleurs va probablement produire ses effets.
Le communisme est divers de la diversité de ses origines. Quant au parti communiste, d'ici ou d'ailleurs, il est aussi bien qu'il soit riche de la diversité de ses adhérents, et l'organisation est justement là pour faire des différences les ferments du mieux.
Mais aujourd'hui, l'organisation (en dehors de sa trésorerie !), la qualité d'adhérent à de l'intérêt pour qui ? Quand tous les projecteurs sont tournés vers des élus, certes étiquettés dans des groupes dits "communistes, républicains et Front de Gauche" mais qui s'affranchissent si volontiers d'une adhésion au parti ou d'une contribution financière qui les élèverait au rang du vulgus pequm adhérent, il est bien plus profitable pour "faire carrière" ou simplement croire que l'ombre d'une idole fait la lumière de s'afficher gratuitement au mépris des artisans historiques de l'organisation.
De la même façon que la droite au pouvoir a réussi à déshistoriser la société française pour mieux établir son totalitarisme au service du capital, le Parti Communiste Français est aujourd'hui victime d'une forme de déshistorisation qui réduit son espace idéologique au présent du "Front de Gauche".
C'est une forme de piège qui est en train de se refermer ; le piège était tendu depuis fort longtemps, celles et ceux qui ont découplé l'action politique de l'action syndicale et qui cherchent encore aujourd'hui comment faire pour que les travailleurs avec ou sans emploi conservent leur qualité de citoyen devraient s'interroger plutôt que de gesticuler dans l'éllaboration d'une "démocratie participative ou active" pour mieux fustiger les failles de la démocratie représentative.
Cette dernière n'est-elle pas victime des représentants eux-mêmes dans leur comportement ? Egalité hommes femmes, non cumul des mandats et autres belles promesses ne dépassent guère l'échéance de la première candidature. Un candidat élu ne sera plus jamais candidat à la candidature, l'onction de la première a suffi. Et quand il démérite dans une organisation, il n'a guère qu'à en changer pour conserver cette qualité.
C'est aussi là un obstacle majeur à l'établissement de la conjuguaison durable du plus que futur du Front de Gauche d'aujourd'hui.
A moins que la 6ème République ne vienne y mettre bon ordre dans les consciences de gauche.
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