dimanche 6 janvier 2019

Le don

Depuis quelques jours de curieux échos peuplent les actualités : la générosité des français serait en berne... Baisse de la recette du téléthon (on constate d'ailleurs une érosion de la mobilisation locale, vieillissement, etc)... Institut Curie, Croix-Rouge... les grands opérateurs médecins de la misère et jambe de bois de la puissance publique chaque jour amputée affichent des manques à gagner considérables cette année.

Jusqu'au denier du culte qui aurait perdu des millions avec la défection de plus de la moitié des donateurs les plus fortunés...

Les difficultés rencontrées par bien des familles peuvent expliquer un don un peu plus modeste à la quête du curé ou dans la tirelire de la Croix Rouge... Mais l'explication ouvertement avancée pour justifier de cette perte massive peut paraître curieuse : la suppression de l'ISF. Un petit calcul éclaircit assez facilement les choses :

La suppression de l'ISF laisse quelques milliards dans les poches des plus riches, ils pourraient se montrer plus généreux ! Et bien non, car, c'est bien connu, charité bien ordonnée commence par soi même ; et la générosité passée désormais amputée commençait par rapporter plus qu'elle ne coûtait !

Parmi les mesures qui permettaient d'échapper au paiement de l'ISF, de nombreux investissements autorisaient des réductions d'impôts ; quant aux dons, c'est à hauteur de 75% qu'ils intervenaient...

Même avec le plafond de réduction appliqué aujourd'hui à l’impôt sur la fortune immobilière à hauteur de 50000 euros, l'impact n'est pas négligeable : un don de 66666 euros ne coûtait que 16666 euros, l'Etat faisant cadeau de 50000 euros qui lui manque à gagner.

En supprimant l'ISF, non seulement l'Etat s'est privé de recette, mais il a encouragé les plus fortunés à conserver par devers eux le fruit de leur générosité très intéressée d'hier... pour en faire un usage plus profitable dans la spéculation dont les formes ne manquent pas.

Dans cette aventure, les organismes, dont la plupart devraient être intégralement financés par des fonds publics puisqu'ils répondent à des problématiques d'intérêt général -recherche  scientifique, recherche médicale, lutte contre la précarité, etc.- perdent une part importante de leurs ressources constituées par les "gros donateurs" d'hier. Mais l'Etat qui y perdait des ressources fiscales hier n'en récupère rien aujourd'hui pour autant !

L’affaiblissement de la puissance publique revendiqué par Macron aujourd'hui comme toutes les droites l'ont toujours fait ne conduit qu'au sur-enrichissement des plus riches au détriment des plus pauvres et des aides qui pourraient leur être apportées, tout en pressurant un peu plus les couches dites "intermédiaires" pour compenser les pertes liées aux largesses accordées aux "premiers de cordée".

Crise économique, sociale, politique, morale... 

A écouter les privilégiés des beaux quartiers il faudrait amputer notre société de la misère ou au mieux la greffer sur le bois mort... De plus en plus difficile à régler tant la masse s’accroît !

Ne serait-ce que sur le plan de l'emploi, en une dizaine d'années, le nombre des chômeurs a presque doublé pour toucher aujourd'hui plus de 6 millions de personnes -un français sur 10 enfants et vieillards confondus-, il devient possible d'imaginer la suite.

En considérant que le pays compte aujourd'hui une bonne trentaine de millions de personnes en âge de travailler entre âge de la formation et de la retraite, dans chaque groupe de 6 vous avez au moins une personne privée d'emploi... Ca finit par faire beaucoup !

Le nombre des nécessiteux croit au moins aussi vite que grandit la fortune du plus petit nombre de privilégiés qui ont "élu" le macron qui nous gouverne par procuration avec l'argent des autres.

Pour s'en convaincre il suffit de parcourir l'inventaires des soutiens financiers à la campagne présidentielle de Macron. Une grande majorité de dons au plafond des 7500 euros autorisés par la loi (il est probable que le niveau de ces dons souligne un niveau de ressources des donateurs qui ne les fasse pas client des restos du cœur) mérite bien le renvoi d'ascenseur de l'heureux élu avec l'abandon de l'ISF, la Flat-tax,..

Des "économistes" peu suspects de sympathies révolutionnaires constatent que, quand les 5 % du bas de l’échelle enregistreraient une hausse de leur niveau de vie de 0,2 %, les 5 % du haut en emmagasinent plus de 2,2 %... Peut-on s'accorder sur le fait que +0,2% de pas grand chose, ça fait quand même bien moins que 2,2% de beaucoup trop ?



Alors ?

L'éclosion automnale des "gilets jaunes" n'a rien de spontané ; elle est un des symptôme de l'approfondissement de la crise capitaliste dans sa phase aboutie de captation des richesses symbolisée par le passage de Macron de commis de la banque Rotschild au perron de l'Elysée.

Les coups portés à la démocratie sociale depuis 1983 après l’entrebâillement de 81

avaient écartés du jeu politique et social une majorité de citoyens qui viennent( de se redécouvrir acteurs de leur citoyenneté. Ils avaient déserté les urnes comme les rangs des partis politiques. Ces corps intermédiaires dont Macron et les siens veulent écarter du paysage vont devoir renaître de leurs cendres pour ressusciter la république.

Pour ce qui est des partis politiques noyés par le tsunami des dernières présidentielles ils vont devoir reconstruire leur structures sur des fondations militantes plutôt que sur les subsides publics qui font qu'un électeur de gauche paye plus cher de cotisation fiscale pour l’extrême droite que pour son courant de pensée... avec des élus qui servent leurs organisations plus qu'ils ne s'en servent.

Pour ce qui est des organisations syndicales qui se sont étiolées dans la compromission en béquille du pouvoir comme en relations concurrentielles stériles sans projet mobilisateur autre qu'en réaction conduisant à l'acceptation du moindre mal (voir indemnisation supra-légale des licenciements), elles vont devoir aussi revisiter leurs pratiques pour redevenir l'expression de leurs mandants...

Quelle que soit la couleur des gilets la sortie de crise ne passera pas par le maintien au pouvoir d'une petite coterie de fondés de pouvoir des grandes fortunes.

La nouvelle république dont le pays a besoin mûrira mieux dans la lutte idéologique que dans les violences de rues qui ont toujours conforté les régimes autoritaires à force de répression policière.

La réforme fiscale comme celle des institution ne sont que deux volets d'une même révolution citoyenne qui se profile ; pour bientôt ? pas si sûr... 

Lorsqu'il est question de convergence des luttes, c'est bien qu'il y a des luttes... Mais le catalyseurs n'est pas encore là avec l'impuissance de la foule de ceux qui à gauche, ne peuvent exister qu'en concurrence avec les autres. Il est compliqué de savoir où on va en courant derrière un train qu'on n'attendait pas.

Pour autant, la grande majorité qui s'est écarté depuis longtemps du débat public (abstentionnisme, désyndicalisation, individualisme...) n'a effectivement guère aujourd'hui d'autres arguments à faire valoir que la manifestation de rue sans référence au cadre traditionnel des organisations existantes, y compris au prix des violences qu'elle peut susciter.

Ce n'est pas le "grand débat" macronien qui réglera l'affaire, mais le réinvestissement des militants politiques, syndicaux et associatifs qui ont toujours fait la charpente de notre démocratie républicaine.

Ce n'est pas à l'intérieur d'un mouvement informel comme celui des GJ que l'issue progressiste se fera jour, car toute tentative d'organisation va nécessairement en signer l'éclatement en autant de miette que sa diversité l'impose.

C'est par la fédération autour d'une idée du bien commun, par la mobilisation autour du pôle antagoniste du capital au pouvoir que se construira dans le temps le projet et la démarche de reconquête de la citoyenneté républicaine.

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