vendredi 25 janvier 2019

Outil ou instrument

Le phénomène "Gilets Jaunes", après deux mois de manifestations persiste et n'est guère entamé par les tentatives de résolution du pouvoir.
La répression policière et la montée en gamme dans ce domaine sous l'empire du modèle sarkoziste conduit à légiférer par circonstance.
Les réponses sonnantes et trébuchantes, miettes arrachées aux uns pour boucher le bec des autres ne sont guère plus efficaces. D'ailleurs sur ce point il est assez curieux de voir Gilest Jaunes et gouvernement sur les mêmes intentions :

  • les Gilets Jaunes réclament plus de pouvoir d'achat avec la réduction des taxes ; ils ne réclament pas d'augmentation de salaires auprès de l'employeur qui réclame comme eux la réduction de ses charges...
  • Le gouvernement consent un gain de pouvoir d'achat en ruinant un peu plus la protection sociale et en se gardant bien d'obtenir des employeurs une hausse des salaires...
La solution d'enfumage du Grand Débat tourne à vide avec une grande majorité des Gilets Jaunes qui vivent l'expérience de l'extérieur. Il exacerbe leur sentiment de rejet du politique dès lors que le Grand Débat est investi par les élus et la "classe politique" qui l'encadrent.
Et c'est un Macron judoka qui opère désormais pour tenter de se servir de la force du mouvement des Gilets Jaunes à son avantage dans la perspective de l'élection européenne.

Nés du même creuset anti politique du "vieux monde... Ni gauche, ni droite, mais surtout ni gauche... horizontalité des réseaux sociaux à l'appui et difficulté à s'organiser autrement que sous l'autorité d'une auto proclamation... Pas une tête ne doit dépasser chez les Gilets Jaunes comme en Macronnie...
Le macronisme et les Gilets Jaunes sont deux avatars de la même entreprise de démolition de la démocratie républicaine engagée après l'élection de Mitterrand en 83 dès lors que les politiques ont abandonné le service des citoyens pour entrer à celui du capital. Nombre d'exemples depuis l'épisode Rocard et son usage immodéré du 49.3 à 28 reprises...

Pas étonnant que la république accouche de monstres à la tête abîmée après une usage aussi inconsidéré des forceps.

Plus tard ce sera le cadeau de Jospin inversant le calendrier électoral qui confine le parlement croupion au rôle gratifiant de cireur de pompes du président, jusqu'à la loi travail de Hollande qui met le pied à l'étrier du petit commis des grands banques...
Ce ne sont là que quelques jalons posés par des gouvernement d'une gauche opportune marionnette des puissances capitalistes ; ils ne font que confirmer ce que la droite a pu conduire tambour battant dans ses intervalles au pouvoir avec la mise à mal des droits sociaux, de la sécurité sociale, des retraites, des services publics, etc.

Macronisme et Gilets Jaunes sont deux symptômes de la crise politique qui a conduit ailleurs en Europe, là où notre tradition révolutionnaire française avait ancré les valeurs de notre devise n'est pas, la montée de l'extrême droite et des pouvoirs autoritaires qui servent si bien les intérêts du capital (europe centrale et de l'est, USA, Brésil, Argentine...).

Depuis l'après guerre et le rétablissement de la démocratie républicaine en France, nombre de crises se sont accumulées sous les coups de forces réactionnaires avec l'épisode poujadiste, le phénomène de l'OAS dans une décolonisation violente, les mouvements de 68 pour remettre le pays sur une voie progressiste balayé en boomerang par De Gaulle avant qu'il ne soit balayé lui même, etc.
Dans la dernière période, un mouvement avait été initié en cheval de Troie des maîtres du monde avec les écologistes.
Tout comme les Gilets Jaunes d'aujourd'hui ils se voulaient d'abord "pas les autres", pas ceux qui avaient toujours nié leur exigence naturelle et légitime : préserver la nature qui fait ressource et cadre de vie pour les uns, préserver le pouvoir d'achat comme pouvoir de vivre pour les autres aujourd'hui. L'éventail se resserre autour du noyau du minimum vital et avec les Gilets Jaunes et leur contestations de la taxe sur le carburant, on ne vise plus trop demain et les générations futures mais la survie d'aujourd'hui...
Les partis politiques traditionnels, et plus largement tous les "corps intermédiaires" avaient été aussi maladroits pour saisir l'OPNI écolo à son apparition qu'ils le sont aujourd'hui avec les Gilets Jaunes, ou qu'ils l'ont été avec Macron aux présidentielles.
Tous ces éléments qui ont l'apparence de la génération spontanée en rupture avec le monde existants procèdent du même mécanisme. Dans les soubresauts de son agonie, le vieux monde capitaliste se doit de détourner l'attention en focalisant l'attention et l'énergie citoyenne sur quelques étoiles filantes qui ne manqueront pas de se consumer d'autant plus vite qu'elles brilleront d'un plus grand éclat.

Avec l'hypothèse d'une tentative de liste "Gilets Jaunes" aux élections européenne la preuve sera faite de l'instrumentalisation du mouvement par le pouvoir en place : tout ce qui peut nuire à mon adversaire ne peut que me servir !

Ce fut le cas longtemps avec le mouvement écologiste dans lequel le "ni droite ni gauche" s'est souvent réduit en "ni gauche" pour faire l'appoint à la droite ou à sa cousine réformiste...

Les Gilets Jaunes s'efforcent aujourd'hui de mettre la gauche en jachère pour mieux cultiver à droite au printemps d'après, et l'usage du glyphosate désormais interdit, il n'est pas exclu que le chiendent de l'extrême droite ne vienne ruiner les cultures vivrières de la démocratie des jardins ouvriers...

Plus que jamais c'est d'une véritable perspective révolutionnaire dont le pays a besoin pour rétablir la liberté face aux blindés de la gendarmerie faisant d'une manifestation populaire une émeute par principe, pour rétablir l'égalité en faisant rendre gorge à la ploutocratie qui saignent le pays, à rétablir la fraternité en ruinant toutes les dérives communautaristes qui font de la concurrence une vertu de la différence.

Outil ou instrument ?
Le mouvement des Gilets Jaunes comme beaucoup de mouvements en marge des corps institués (coordinations par exemple) sont utilisées par le pouvoir ou d'autres inspirateurs comme de simples instruments, on ne les a pas fabriqués, mais on les trouve opportunément pour s'en servir  à ses fins. C'est le bâton du le singe utilise pour attraper son fruit ou le caillou qui lui servira pour casser la coque trop dure...

Le mouvement écologiste a lui aussi été l'instrument de tous les pouvoirs qui lui tordent le cou pour mieux s'en servir et prôner le nucléaire pour lutter contre l'effet de serre...

Le mouvement "en marche" fonctionne de la même façon dans son usage des outils numériques et des réseaux sociaux... C'est l'opportunité que fait se rencontrer la chose et l'usage qui seront dissociés dès l'usage usé.

L'outil est en politique comme dans toutes ses acceptations génériques une création de l'intelligence humaine qui comporte en lui la perspective d'une reproduction démultipliée des usages.
Tout comme le couteau coupe, mais peut aussi racler, percer, gratter, creuser; sculpter ou trucider... le parti politique est l'outil des citoyens pour organiser la gouvernance publique de la société ; mais il est aussi le laboratoire de ses idées et le moyen de l'affrontement idéologique avec ses adversaires, sans compter qu'il est tout aussi utilement le moteur du lien qui fait que l'individu se dépasse dans le corps collectif d'adhérents qu'il constitue.

Démagogues et tyrans s'accommodent fort bien des mouvements qu'ils instrumentalisent et qu'ils répriment à loisir.
La démocratie a besoin d'autre chose, de véritables outils et des processus de leurs usages ; les partis politiques et l'engagement militant qu'ils exigent sont de ceux-là, et dans leur cadre les égos s'effacent devant les égaux.

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