mardi 27 novembre 2018

En marche

Les gilets jaunes sont en marche... à leur façon autour des ronds-points, pour lever les barrières des péages, et parfois sur les ondes radio ou télé.
Et ce mouvement, dont l'importance pourrait dépasser l'ampleur, mobilise tous ce que le pays compte de commentateurs.
Alors ? Révolte ou Révolution ?
Pour l'instant, le mouvement ne se répand guère que dans les frontières du premier terme. Le mouvement qui se veut horizontal, sans maître ni guide, sous les seuls auspices de la propagation de sa vague sur les réseaux sociaux, affiche la bannière rassembleuse du "ras-le-bol" de la société des oubliés, 
Le pouvoir est en train de découvrir une nouvelle masse d'étrangers, une masse considérable qu'il ne considère pas, le grand tapis du peuple sur lequel il s'essuie les mocassins à pompons et qui désormais se révolte : contre la hausse des carburants, contre les taxes, leur multiplication et leur augmentation, contre le pouvoir en place, président et gouvernement confondus... mais aussi contre les institutions en générales, institutions politiques et organisation syndicales confondues...
Il est assez simple de voir ici la conjonction d'un ras-le-bol citoyen manifesté depuis longtemps et de plus en plus fort dans l'abstentionnisme et malheureusement récupéré par la démagogie d'une extrême droite à l’affût de tout ce qui peut faire basculer la démocratie.
Le mouvement des gilets jaunes souligne d'un lumière crue la fracture qui n'a de cesse de s'approfondir entre un peuple qui commence à prendre conscience de l'existence dans laquelle on le confine et une couche des élites républicaines qui ne le sont plus guère.
La situation du moment, transitoire par nécessité, débouchera sur quoi ?
Bien malin qui peut en préjuger aujourd'hui !
Pour l'instant deux mondes s'opposent, une base en mouvement et un sommet "en marche". Les uns comme les autres ont renié les organisations politiques et syndicales qui, avec d'autres structures, forment la colonne vertébrale de la démocratie représentative qu'est sensée être notre République. Et du coup leur dialogue est difficile.
Certains disaient parfois qu'en 1968, les syndicats avaient récupéré le mouvement pour l'achever... Mais ce sont bien les organisations syndicales représentatives qui étaient à la table des négociations Pour arracher les accords de Grenelle au gouvernement et au patronat réunis quand même !
Certains commentateurs trépignent aujourd'hui en entendant des manifestants réclamer la démission du Président de la République, la suppression du Sénat, de nouvelles élections, des référendums... en un mot une "nouvelle donne", comme si la contestation de l'ordre établi n'avait sa place que les jours d'élection...
C'est cette pierre d'achoppement qui est au cœur du débat ; la révolte d'aujourd'hui est bien nourrie des promesses non tenues, de "mon ennemi c'est la finance" au Bourget, à toutes celles de Macron en campagne en passant par la litanie des reniements de la gauche accumulés depuis 1983... depuis près de quarante ans la République divorce d'avec son peuple au point qu'aujourd'hui une opposition parlementaire ne sert plus à rien qu'au faire-valoir en contre-point des injonctions du monde de la finance relayées par l'homme de paille qu'il s'est choisi pour président. C'est tout au moins le ressenti des manifestants d'aujourd'hui.

Réduire le fait syndical en matraquant les organisations combatives pour mieux flatter les complaisantes...
Réduire le fait politique à la toute puissance présidentielle en asphyxiant le débat idéologique dans la bouillie centriste au point d'en confondre les deux bords...
Ce couvercle pesant sur la marmite est-il prêt à sauter ?
Peut-être.
Encore faudrait-il, pour que la révolte trouve une issue utile et bénéfique au peuple qui frémit, qu'un cadre idéologique trace les perspectives mobilisatrices du progrès social plutôt que l'embrigadement dans des ligues de factieux comme on le voit parfois ailleurs en Europe, ou comme on l'avait vu dans les années 30 avec la montée des fascismes et du nazisme...

Cette issue s'appelle Révolution ; elle n'a pas nécessairement la couleur ou le gout du sang, elle n'a que le bonheur et la paix à joindre à la devise républicaine pour en garantir les trois grands principes : liberté, égalité et fraternité.
Pour ça il va falloir réveiller les idées et celles et ceux qui les portent partout et en tous temps, et pas seulement à la veille des échéances électorales, et mettre des mots sur les choses comme nous sommes quelques uns à n'avoir jamais cessé de le faire sur les terrains de lutte du pouvoir d'achat, de s salaires, des retraites, des droits du travail, des services publics, de la fiscalité, des libertés, etc. etc. 

Révolution ? c'est un gros mot pour "ces gens là"... Leur président Macron aurait d'ailleurs été bien inspiré de souligner dans les célébrations du centenaire de l'armistice de 1918 le rôle déterminant qu'avait eu la Révolution allemande, renversant son empereur pour instituer la République le 9 septembre avant de mettre fin à la grande boucherie de la guerre mondiale deux jours plus tard... ça lui aurait épargné l'éloge d'un Pétain frappé d'indignité nationale et le passage en revue grotesque de "figurants poilus" déguisés bleu horizon...
Mais il est vrai qu'il avait aussi oublié de ponctuer son discours de "Vive la République" en restant sur un "Vive la France".





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