dimanche 18 août 2019

Liberté ?

Nouvelle vie, nouvelles pratiques, nouveau monde... IL semblerait que le temps soit à la rénovation, du sol au plafond dans notre vieux monde, geôle poussiéreuse et sombre... il faut absolument -disent-ils- LIBÉRER LES ÉNERGIES !
La pire des choses qu'il faudrait extirper des vieilles pratiques, l'habitude, les choses d'une norme alitée après tant d'excès. Aller à la Poste pour envoyer un courrier, dépassé... passer à la boutique SNCF ou au guichet de la gare pour prendre un billet, dépassé... passer par le secrétariat de mairie pour une petite formalité, dépassé... s'inviter dans une préfecture pour un service de l'Etat, dépassé...
L'hypermarché du service public est ouvert avec la "Maison de service au public". C'est comme au supermarché, tout y est des couches-culottes du marmot au vin cuit pour l'apéro, du stylo bleu pour le gamin au paquet de graines pour le jardin, de la carte grise de l'auto vendue à la démarche à la SECU !
Plus besoin de service de professionnels du service ; le paradigme est changé, ce n'est plus la chose qui est au centre mais l'usage, ce n'est plus la marchandise, mais le client.
On peut aisément rapprocher les partis politiques traditionnels ou les organisations syndicales des échoppes d'autrefois dans lesquelles se formait la chose et son partage, l'atelier dans l'arrière boutique et le comptoir derrière la vitrine, et les grandes rencontres des jours de foire... C'était un temps où le citoyen allait à la boulangerie acheter son pain et pâtes ou café chez l'épicier. C'était le temps de la militance et des forgerons des idées, des boutiques qui avaient un nom derrière lequel on trouvait de la professionnalité ou des convictions bien identifiées.
Aujourd'hui, l'heure est aux hypermarché et aux boutiques éphémères, à la circulation des porte-containers, et des rencontres virtuelles, réseaux sociaux, drive, flash-mob et applications.
Les choses n'allant pas nécessairement de soi dans la propagation de leur inhumanité, le système génère ses propres faire-valoir, circuits court, co-voiturage, naturel à tous les étages...
Mais au fond ce ne sont là que les derniers avatars d'un système à l'agonie qui tente désespérément de tirer profit de tout sans jamais se soucier du bonheur du monde autrement que par l'opulence de quelques uns nourrie de la misère de tous les autres.
Les nouveaux modes de consommation sont à rapprocher des nouveaux comportements citoyens ; l'individualisme tant prisé de la puissance aliénante est drapé de liberté - individuelle par nécessité - qui devient contrainte imposée ou consentie. Il en est ainsi de la "liberté d'entreprendre" tant prisée dans le temple de la modernité, celle qui a fait les auto-entrepreneurs, et "l'ubérisation" des activités...
Qu'en est-il des moyens matériels et des ressources humaines utiles à l'entrepreneur libre ? C'est la contrepartie dégradante des rémunérations dégradées, du temps et des conditions de travail dégradées... de la vie dégradée... Quand, curieusement, on en vient à constater que, pour que l'entrepreneur soit libre, il faudra en contrepartie que ceux qui sont utiles à l'accomplissement de son activité soient d'autant plus aliénés à sa conduite... Coupures et horaires décalés, temps partiels contraints, multi-activité... on prend soudain conscience de la marche inconfortable vers le progrès de l'humanité et la véritable émancipation des peuples. La lutte entre les forces antagonistes qui, de temps immémoriaux, oppose l'oppresseur et l'opprimé, l'exploiteur et l'exploité, le maître et ses esclaves, prend des formes nouvelles sans jamais s'éteindre ; et l'histoire passe par monts et par vaux au rythme des cycles tantôt favorables aux uns, tantôt souriants à l'espoir des autres.

Toujours est-il qu'aujourd'hui le paysage offert par la vie publique n'est plus guère accueillant à qui veut aiguiser sa pensée dans la confrontation des idées ; tout au plus reste-t-il quelques places en tribunes pour ajouter des badauds au spectacle codifié des marionnettes de la finance, dans les travées du Stade de France comme de l'Assemblée Nationale.

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