dimanche 3 février 2019

La mort de l'école

C'en est fini de la République de l'école communale... la fin de l'école publique ?
En douce au détour d'un amendement dans un texte législatif fourre-tout, le gouvernement a noué la corde qui va pendre l'école à la grille du collège.
Au prétexte d'un rapprochement profitable aux apprentissages des petits écoliers l'école maternelle et élémentaire est absorbée dans l'enceinte du collège d'un "bassin de vie"...
Comme toute escroquerie bien construite, l'important réside dans le masque de sa présentation ; et l'article publié dans Les Echos livre l'essentiel du dispositif.
Bien sûr au tout début personne ne va précipiter les choses et déménager toutes les petites écoles d'un secteur vers le collège... Les choses iront bien d'elles mêmes avec le temps.
Dans un premier temps l'opération va consister à priver chaque école de sa direction d'école pour la remplacer par une direction commune posée en direction adjointe du collège en charge des écoles ; c'est un modèle éprouvé dans les cités scolaires où le proviseur est en charge de l'ensemble de l'établissement (principalement du lycée) et où son adjoint est en charge de la partie collège.
Cette transformation a de quoi séduire en proposant que les tâches administratives qui incombent aux directeurs d'écoles soient désormais assurées dans des équipes de direction bénéficiant d'un service administratif adéquat, accueil, secrétariat, gestion...
Et dans sa grande bonté, l'Etat qui déciderait d'une telle mesure continuerait de demander aux départements en charge des collèges de restreindre leur nombre de fonctionnaires de la fonction publique territoriale dans ce processus de transfert de charge.
Au passage l'Etat y gagnerait les indemnités versées aux directeurs d'écoles, le financement d'un poste d'adjoint au collège n'épuisant pas par ailleurs l'économie réalisée.
Mais le plus important est plus encore dans l'économie des temps de décharge -certes bien modestes- attachés aux responsabilités des directions d'école et qui constitueraient un nombre important de postes d'enseignants au niveau national.
Dans les petites écoles de la périphérie, toutes les activités de direction ne vont pas pour autant être évacuées, relations avec la mairie, relation avec les parents, tous aléas de la vie quotidienne seraient désormais à la charge des enseignants restant sur place et qui auront à interfacer tous les problèmes avec l'établissement central, seul responsable et décideur.
La grosse économie pour l'Etat serait l'économie d'échelle, car en regroupant les petites écoles, les effectifs des différents niveaux regroupés permettraient d'optimiser le nombre d'enseignants.
Un calcul rapide sur un secteur de 12 communes dont 9 forment 4 RPI l'économie de moyens pourrait être de plus de 15% avec des effectifs moyens par classes passant de 23 à 27 élèves par classes.
Pour les enseignants on passerait de classes à 2 ou 3 niveaux à des classes à un seul niveau, ce qui pourrait faire passer la pilule de l'augmentation des effectifs...
Quant à l'attachement de l'enseignant à son école et à sa commune... depuis longtemps la plupart des enseignants ne vivent plus là où ils travaillent, dans les écoles comme dans les collèges ; le phénomène ne peut que s'amplifier dans une telle perspective.
Les maires seraient débarrassés du poids de l'école, des problèmes de cantine, de personnel, d'entretien des bâtiment et d'équipement... et quand bien même la commune devrait cracher au bassinet pour que l'intercommunalité par exemple prenne la compétence école cette dernière serait réduite à une ligne de dépense comme celle du syndicat d'eau et d'assainissement ou du syndicat des ordures ménagères...
Au bout du compte la seule difficulté qui devra se résoudre dans le temps est celle du transport.
Mais l'habitude est déjà prise de mettre les petits loupiots dans de grands bus sur de toutes petites routes dès le petit matin pour les reconduire dans la soirée par le même moyen. Alors ? un peu plus, un peu moins ! Et du coup celles et ceux, jeunes avec enfants, ne travaillant pas là où ils vivent, vont petit à petit migrer vers le centre équipé de la grosse structure scolaire englobant le collège et les écoles, par confort pour les enfants comme pour les parents.
Au bout du compte, à plus petite échelle mais sur le même modèle, les campagnes périphériques vont finir de se vider au profit des bourg centres, comme dans le phénomène de métropolisation concentrant activités et richesses en laissant l'inactivité et la misère peupler les lointains abords.
Les fractures sociales et géographiques se creuseront un peu plus sur le plan culturel et générationnel.
Il y a trop de communes en France... Pas compliqué d'en réduire le nombre en finissant de les dévitaliser de la sorte ; et qui sait peut-être avec leur consentement !

Pas possible ? On verra...
C'est un peu comme l'histoire des grenouilles mises à cuire à l'eau froide... il est trop tard pour elles de s'échapper quand le confort de l'eau tiède leur fait oublier que le feu est toujours allumé sous la marmite.



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