Dans l'argumentaire des candidats à l'élection européenne, la paix revient souvent comme le grand bénéfice de la construction européenne.
Force est de constater que depuis un siècle et demi, pour ne remonter qu'à la guerre de 1870, et ne pas évoquer la grande épopée guerrière de Napoléon, l'Allemagne et la France ne se sont pas affrontées militairement plus de trois fois.
Au-delà de ce raccourci, l'association de la construction européenne à la paix restera un peu abusive. Une analyse de la situation politique à l'échelle du monde qui a succédé à la seconde guerre mondiale éclaire aisément la chose.
La paix d'ici ne se paie jamais qu'au prix de la guerre ailleurs. Et on assiste depuis plus d'un demi siècle à une forme de délocalisation des conflits que les guerres coloniales avaient bien entamée.
Le phénomène guerre ressort toujours des rapports de force politiques ; quand bien même le déclencheur serait d'ordre ethnique, religieux ou économique, la guerre reste le plus souvent -sinon toujours- le fait du plus fort qui ne supporte pas l'existence d'un autre différent dont on craint jusqu'à l'illusion d'être victime.
Le pouvoir, dans toutes ses formes, la domination régente le déclenchement des guerres comme leur résolution dans des traités toujours construits dans la perspective de l'éradication de la menace du recommencement...
Toute résolution de conflit contient en son sein, à des degrés divers, les germes du conflit suivant dont les formes et l'ampleur ne sont pas nécessairement déterminées, mais dont la survenue s'imposera si le système de relations ne migre pas du modèle de la concurrence à celui de la coopération.
Dans la période récente la résolution de la guerre froide avec l'effondrement du bloc soviétique, les conflits des Balkans puis tous ceux qui perdurent aux marges de l'ex-URSS et au Proche-Orient dont beaucoup de frontières avaient été dessinées à l'issue de la seconde guerre mondiale méritent tous d'être examinés sous cet angle.
Quand un marchand d'arme invoque la paix...
Comment peut-on prétendre faire oeuvre de paix par le truchement de la guerre ?
Il n'est guère qu'un exemple qui justifie une posture aussi paradoxale, et c'est l'action de Résistance.
Le passage à la lutte armée dans la Résistance au nazisme et à la collaboration entre 39 et 45 l'illustre assez bien. Pour l'ordre établi, et dès lors que le conflit n'oppose pas deux forces armées délégataires d’entités ennemies du même ordre, Etats ou alliances, pour le camp du plus fort le dérangement adverse entre dans la catégorie des "rebelles", une appellation qui par elle seule justifie la violence institutionnelle qui lui est opposée.
La définition de l'état de paix face à l'état de guerre, pour l'instant introuvable dans l'espace planétaire suppose la description de toutes les situations intermédiaires où la violence exprimée pour résoudre une opposition prend des formes diverses et dont la gradation laisse la possibilité de considérer l'appartenance d'une situation au champ de la paix ou à celui de la guerre. Parler parfois de "paix armée" ou de "guerre des nerfs", de "paix des braves" ou de "guerre ouverte", la "paix du cimetière" ou la "guerre urbaine", la "paix du seigneur" ou la "guerre sainte", permet de caractériser l'état d'un conflit et sa perspective de résolution.
Dans tous les cas la vision partisane d'une opposition renvoie à une expression spécifique révélatrice du rapport de force en action. C'est à ce niveau que la notion de Résistance s'inscrit comme recours pour celui qui se sent en péril. Les choix stratégiques et les tactiques mises en oeuvre pour annihiler toute résistance ou pour renverser le cours des choses sont évidemment différents et une erreur d'appréciation à ce niveau peut être fatale. La victoire ne se dessine guère que dans le camp où la conscience de la situation est la plus claire et l'ivresse du pouvoir ou de la domination laisse souvent sa chance au plus faible...
Il en est ainsi dans le phénomène guerre comme dans celui tout aussi violent de la guerre idéologique.
La notion de paix, dans le sens commun n'est pas exclusive de la guerre ; c'est l'approche de la Pax Romana, définie dans la maxime "Si vis pacem, para bellum".
Dans cette acception la paix d'ici n'est garantie que par la guerre ailleurs ; c'est en maîtrisant par la force les "barbares" aux marges de l'empire que les romains garantissaient la paix et la prospérité du "cœur d'Empire".
A y regarder de près tous les conflits plus pacifiques -mais tout aussi féroces à la fois- qui hantent les organisations sociales ou politiques suivent les mêmes lignes stratégiques que le phénomène guerre en créant des tensions périphériques pour mieux abriter le pré carré des favoris. C'est ainsi que la pratique des tendances fait mine de favoriser la vie démocratique... Un modèle guerrier qui préconise la concurrence plutôt que la coopération.
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