jeudi 23 octobre 2014

Association (en) danger...

L'édition du journal "La Terre" de cette semaine consacre un long article sur le sujet en tirant la sonnette d'alarme : les associations seraient menacées par l'évolution des politiques publiques toutes orientées au service de la finance, service de la dette en tête, et qui doivent du coup "arbitrer" en terme de dépense, etc.
Le constat est juste sur le fait du moment, la réduction de la dépense publique de l'Etat qui ricoche à tous les niveaux des collectivités gestionnaires dans le double impact de la dépense supplémentaire imposée par les transferts de l'Etat et la réduction des moyens d'intervention ne pouvait pas avoir d'autre effet.
A regarder de plus près la situation est encore plus difficile si on considère que le désengagement de l'Etat conduit dans le même temps à l'augmentation arithmétique des besoins à satisfaire aux niveaux locaux d'intervention.
Quand l'action gouvernementale en matière économique conduit au double résultat de l'augmentation des dividendes et de celle du chômage, les départements en charge de l'aide sociale ne sont pas bénéficiaires des dividendes pour faire face à l'augmentation des prestations à servir. Dans le même temps l'Etat va arguer de la nécessité d'alimenter le service de la dette (profits bancaires obligent) pour rogner les dotations aux collectivités.
C'est la double punition pour des citoyens toujours plus taxés pour être toujours moins servis.
Pendant des années les pouvoirs publics ont masqué leur carence dans le service à rendre aux populations par la substitution du modèle associatif au service public.
Le fonctionnaire ne faisant pas partie des espèces protégées, pas de secours écolo-logique, la chasse au fonctionnaire, trois fonctions publiques confondues, Etat, territoriale et hospitalière, est ouverte toute l'année. Et le tableau de chasse des différents gouvernements se succédant depuis plus de 30 ans ne souffre que de légers infléchissements en phase gouvernementale de gauche.
Il faut bien sûr avoir triplé la première année de l'ENA pour s'étonner aujourd'hui que l'Etat ayant transféré de ses "compétences" aux régions et aux départements, ces dernières collectivités aient dû grossir leur petit monde de fonctionnaires territoriaux !!!
Au-delà de l'efficacité économique dont aucune évaluation n'est jamais produite, s'est-on jamais posé la question de l'efficacité sociale de cette évolution ?  Nature et qualité des emplois, salaires et acquis sociaux...
Il a donc été pratique pour satisfaire aux besoins relevant du service public de faire appel au modèle associatif subventionné sur missions. On se débarrasse à bon compte de la sorte de toutes les préoccupation de recrutement, et de gestion carrière dans l'emploi de professionnels qualifiés ; charge à l'association titulaire du marché de fournir le service avec les moyens qu'on lui consent. Si aujourd'hui les collectivités locales sont les variables d'ajustement dans la politique de l'Etat, les association ont toujours fait cette marge molle dans laquelle le clientélisme le dispute au professionnalisme.
Rien de plus normal que le monde associatif soit aujourd'hui victime d'une politique toute orientée au service de la finance et du profit ; le transfert dans l'apport des moyens est depuis aussi longtemps orienté vers la "générosité publique" et les grandes causes de collectes, téléthon en tête de gondole.

Ce n'est pas par hasard qu'on vilipende l'impôt universel et progressif qui peut, seul, à la fois servir d'agent redistributeur de la richesse produite et distributeur des services communs qu'ont peut aussi dire publics en matière d'éducation, de santé, de communication, etc.

La puissance publique instrumentalise et met à mal le tissu associatif du pays de multiples façons ; les plus touchés risquent d'être les usines à subventions qui remplaçent à bon marché ce que devrait être un véritable service public, en particulier dans le domaine social. Mais toutes les structures d'éducation populaire formant le véritable tissu associatif d'initiative citoyenne dans le domaine de la culture, du sport et des loisirs ont aussi à souffrir d'une transformation sociale érigeant l'individualisme en règle primordiale dans le cadre de la marchandisation d'une offre complètement déconnectée de ses origines citoyennes dans la pratique du "vivre ensemble". Sans compter avec la municipalisation des activités périscolaires concoctée au prétexte de la réforme des rythmes...

Si le monde associatif est en danger aujourd'hui, c'est peut-être que ses fondamentaux ne sont pas inscrits dans le bréviaire des banquiers désormais en charge du ministère de l'économie.
Si le monde associatif est en danger aujourd'hui, c'est peut-être aussi du fait du détournement de son objet ; l'association n'est pas un modèle économique alternatif dès lors qu'elle n'est plus que prestataire sous contrôle de bailleurs de fonds quels qu'ils soient.
Si le monde associatif est en danger aujourd'hui, c'est bien qu'après avoir détourné les citoyens des urnes en brandissant le slogan de la démocratie participative on est en train de les priver de la liberté de faire société tout en brandissant l'étendard du "vivre ensemble".

La liberté d'association reste une des briques de la démocratie, et c'est certainement ce qui rend l'association toujours suspecte au pouvoir qui n'en a pas le contrôle, fut-il financier.

Le dépérissement de la vie démocratique passe aussi par l'instrumentalisation du monde associatif auquel on assiste aujourd'hui ; c'est un autre avatar de la privatisation du bien public.



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