mercredi 29 août 2012

Rentrée de secours

Prix des carburants, hausse du chômage, expulsion des campements de Roms, traité budgétaire européen... "le changement, c'est maintenant !" est un slogan qui vieillit mal, et le rose a bien pâli au front de Manuel Valls. N'est-ce pas à une rentréede secours qu'on assiste aujourd'hui ? ... un peu comme si la guimbarde sarkozyste s'était plantée crevée sur l'accottement à droite et dépannée au grand soulagement d'une petite majorité d'électeurs avec sa roue galette.
Alors évidemment, interdiction d'aller trop vite, la vraie fausse roue de secours ne supporterait pas, et attention, ça pourrait tirer à gauche... Sans compter qu'il faudra remettre la vraie bonne roue en place au plus vite...
Alors bien sûr certains peuvent sourire et penser : "ça vous étonne ? pas moi, les socialistes on les a pratiqués assez souvent pour s'en rappeler, ramollos pour soutenir les Républicains espagnols en 36, va-t-en guerre en Algérie avec Guy Mollet après la "journée des tomates" en 56, sans compter le virage à droite de Mitterrand en 83... c'est un peu comme si chaque génération devait vivre le grand écart de la parole aux actes du courant réformiste dès qu'il est au pouvoir, les vieux sectaires parleraient volontiers de reniements...

Et bien malgré tout ce serait une erreur politique que de parier sur l'échec d'une nouvelle expérience socialiste ; et ceci pour au moins trois raisons majeures :
  • l'urgente impatience d'un peuple abimé par des décennies de pouvoir de droite et d'une nation démantibulée dans laquelle les communautarismes instrumentalisés neutralisent la prise de conscience des intérêts communs.
  • les avancées grappillées au passage, aussi ténues soient-elles, font entrevoir l'éventuelle possibilité d'un vrai changement, chacun sachant que ce n'est pas avec l'échantillon qu'on fonctionne, mais avec "la grande bouteille" ! C'est vrai que ça n'engage guère de voter socialiste et que ça peut parfois coûter très cher de s'engager plus à gauche pour de vrai.
  • La démocratie représentative, si tant est qu'elle en soit la forme la plus aboutie, est bien loin de combler tous les peuples de la terre de félicité pour les rares qui la connaissent. Et elle est tellement mise à mal en France avec un taux d'abstention croissant que rares sont les élus qui peuvent aujourd'hui prétendre représenter vraiment la volonté majoritaire de leurs concitoyens. Mais aussi boîteuse soit-elle cette démocratie élective permet encore une forme d'alternance politique... à défaut de permettre une véritable alternative !
Dans le même temps et pour les mêmes raisons la conscience politique voudrait qu'à gauche, toutes les forces politique soient capables de proposer une orientation claire et mobilisatrice. Des idées simples ne sont pas incompatibles avec la solution de problèmes complexes et trois impératifs au moins ne sont pas réunis à gauche pour que le changement vienne maintenant :
  • la dégradation de la situation économique et sociale est telle qu'entre les lavements imposés par la droite et les tisanes "nuit tranquille" sociales libérales seule la désespérance, l'éloignement de l'engagement citoyen et le repli frileux rendant perméable au slogan démagogique du "tous les mêmes" ou du "tous pourris" (cf. Mélenchon) tirent leurs bénéfices. Les mesures à prendre ne peuvent échapper à une radicalité qui assurent la pérennité de leurs effets. La réappropriation sociale de la richesse produite par l'activité des hommes peut-elle s'accommoder d'autre chose que de nationalisations des grands moyens de production et de la maîtrise collective des biens et des services indispensables à la vie (eau, énergie, communications, etc.) ?
  • La politique des petits pas, du moindre mal et du consensus n'a JAMAIS dans l'histoire de l'humanité produit de changements utiles au plus grand nombre. Elle ne fait tout au plus qu'engrener avec son effet cliquet une soumission à la fatalité du déclin et de l'abandon, rendant plus difficile chaque jour la fertilisation de la réalité par l'utopie. L'illusion du pouvoir entretenue depuis quelques décennies au parti communiste n'a pas manqué de brouiller l'image d'un parti révolutionnaire qui s'enfonce dans les sables mouvants de compromis improbables pour sauvegarder sans grand succès quelques positions électives. Il n'a jamais été plus urgent de reconstruire un corpus idéologique fort en rupture avec la logique capitaliste. De la même façon que Pierre Villon avait été capable de déterminer les grandes orientations du programme du CNR au plus profond du cataclysme de la seconde guerre mondiale, ne peut-on pas, du fond de la crise actuelle, mettre en gestation une perspective d'avenir dont le terme serait incontournable ?
  • La communication politique avait pris avec Sarkozy une longueur d'avance sur l'action ; mieux encore c'en était le produit masquant pour mieux abuser le contrôle citoyen à l'étape. Le hiatus entre le verbe du programme du candidat socialiste et la pratique qu'il inspire au gouvernement relève de la même maladie. La vigilance citoyenne vis-à-vis des élus considérée le plus souvent comme une remise en cause d'une légitimité acquise ne peut former les prémices d'un nouveau développement de la démocratie politique. Les phénomènes de cour ont toujours autant abusé les courtisans qu'ils aveuglaient les courtisés. Rendre le pouvoir aux citoyens... Cette perspective entrevue dans la campagne présidentielle de Jean Luc Mélenchon avec le projet d'une 6ème République, serait une perspective crédible si les élus de la République donnaient l'exemple d'un retour à une citoyenneté plus commune, refusant une professionnalisation gourmande alimentée par le cumul des mandats. C'est le rôle et le fonctionnement des partis politiques qui doit être révisé pour y parvenir ; et toute tentative de les déstabiliser plus encore en les instrumentalisant pour les réduire au rôle d'écuries de course électorale ou pour les doublonner dans un cortège de "collectifs" de circonstance ne peut que faire prospérer les obstacles au changement. C'est de militantisme et d'engagement dans des organisations politiques dont la démocratie a besoin et non d'association de soutien à Nicolas Sarkozy, clubs de supporters et vedettariat.
Ne serait-ce pas au parti communiste, et aux communiste que reviendrait le devoir de l'espoir ? Englué dans les tractations concurrentielles du front de gauche dans lequel il se fond, ne court-il pas aujourd'hui le risque de désespérer demain ?

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