vendredi 24 janvier 2020

Pour ou contre

De la réforme des retraites à l’installation d’une porcherie, ou la réforme du Bac… Les sujets de polémique ne manquent pas dans l’actualité !
L’observation des faits et comportements conduit assez systématiquement au constat que les commentateurs décrivent comme un processus de radicalisation. Et les plus "radicaux" ne sont pas nécessairement les opposants qui tentent de se défaire des pièges qui leur sont tendus !
Et tout aussi systématiquement on a l’impression que l’expression du désaccord éclot à retardement, alors qu'il serait trop tard, après un temps de flou ou d’occultation qui éloignait la préoccupation du champ d’une réflexion concertée.
La divergence des opinions n’a rien d’inquiétant, bien au contraire ! C’est bien dans la confrontation des idées que s’affûtent les arguments et que se solidifient les convictions qui sont les moteurs de l’engagement et de l’action.
Alors, comment se fait-il qu’il faille aujourd’hui, dans nombre de conflits, en arriver à un constat de désaccord indépassable ?
L’éveil de l’opposition à un projet conduit d’autant plus à cette situation qu’il survient brutalement dans le paysage, un peu comme un vice caché. Ce fut le cas de phénomène Macron qui a défié la marche ordinaire d’une alternance centre gauche-centre droit et qui s’est imposé dans la logique du moindre mal du « tout sauf Le Pen » tout en affichant l’image d’une nouveauté balayant un vieux monde politicien déconsidéré par ses errements.
A vouloir bousculer le vieux monde des acquis sociaux bâti à force de luttes récurrentes depuis des siècles, et qui toutes peuvent s’inscrire dans une volonté d’émancipation des peuples des oppressions qui les corsètent, le pouvoir se heurte à des oppositions de plus en plus larges et fortes tout en durcissant la protection policière de ses projets. C’est une forme de repli derrière les remparts du château ou des institutions, laissant au peuple l’occupation des faubourgs, comme ronds-points aux Gilets Jaunes.
L’expression de l’opposition ne s'inscrit plus dans l’équité du débat démocratique, mais dans un affrontement existentiel qui met en péril la nature même du lien social. Sur la petite musique de l’individualisme et du communautarisme qui l’accompagne si bien, la légitimité de toute opposition se heurterait désormais aux exigences nouvelles d’une liberté circonscrite à soi-même.
Ce phénomène se double d’une recrudescence de l’instrumentalisation des masses par des groupes de pression qui masquent leurs véritables commanditaires et leurs intentions aux yeux de ceux qu’ils circonviennent pour aboutir à leurs fins.
C’est ainsi que les peuples européens élisent des députés siégeant dans leurs parlements…  Mais ce sont des milliers de lobbyistes au service des grandes puissances économiques qui font la loi en dictant aux parlementaires la plupart des termes de la loi.
L’actualité, de Davos à Versailles, n’est pas avare d’exemples du lien indéfectible du monde politique et des intérêts économiques particuliers qui s'accaparent les richesses de la nature et le fruit du travail des hommes.
A une autre échelle, mais sur le même modèles, les marchands du temple de la consommation aujourd’hui se paient le service d’armées d’influenceurs actifs sur les réseaux sociaux pour conformer les comportements des consommateurs aux appétits de leur marché.
Par ailleurs, les travailleurs, celles et ceux qui vont le devenir, ou ceux qui n’en sont plus pour une raison ou pour une autre, ne disposent d’aucun de ces conseils utiles au développement de leur cause pour mieux vivre, ou tout simplement exister.
Les lois inspirées par les lobbys ne conduisent pas seulement à faire parcourir les mers du monde aux containers de pacotilles chinoises vers l’Europe ou des poubelles de plastiques européennes vers la Malaisie… elles ne conduisent pas seulement à augmenter de plus de 20% la consommation agricole de pesticides en 2018 quand on aurait dû la réduire drastiquement depuis 20 ans… elles ne conduisent pas seulement à faire travailler les gamins d’Inde ou d’Afrique orientale pour fringuer les gamins français à bon marché… Elles ne conduisent pas seulement les normes européennes à s’assouplir pour autoriser l’élevage des cochons bio sur caillebottis ou pour tolérer la présence de pesticide en label Bio avec une diminution des contrôles quand la société attend mieux…
Elles conduisent parfois à l’engrenage d’un cercle vicieux où les acteurs directement concernés sont conduits à contribuer activement aux dégradations qui les touchent. C’est ainsi qu’avec une des manifestations du réchauffement climatique, les agriculteurs ont été amenés à réclamer l’assouplissement de règles communautaires fixant les dates limites de semis l'été dernier… tout ça à cause du manque d’eau dans des parcelles drainées à grands coups de subventions… Favoriser l’écoulement de l’eau, et se plaindre qu’elle ne soit plus là… Ne  devrait-on pas supprimer l'ENA agricole ?
Et il arrive un jour que les puissances économiques gravitant autour du monde agricole arrivent à leurs fins en asservissant l’ensemble du processus de production ; la terre et les hommes qui la travaillent ne sont plus alors que les accessoires d’objectifs qui les dépassent, réduit à l’état de ressources dans un dispositif dont ils ne maîtrisent plus la conduite. Les contrats liant agriculteurs et groupes de l’agro-alimentaire leur laissent généralement la charge des investissements dont l’amortissement est calculé au plus juste pour limiter la part de profit revenant au producteur.
Le terme même de « ressources » humaines » n’a rien d’anodin, il signe l’exploitation des uns par les autres dans une relation sociale de domination attribuant aux uns les devoirs et aux autres les droits.

C’est dans le chaos d’un tel paysage que les tensions s’exacerbent et qu’à défaut de réflexion on mobilise à l’affect en suscitant des émotions faciles à partager. Les réseaux dits « sociaux » sont les vecteurs privilégiés de ces emballements sollicités pour tenir lieu d’argumentaire.
C’est ainsi que des salves d’applaudissements vont souligner tel ou tel propos ou déclencher une bronca désapprobatrice… Dans un cas comme dans l’autre la seule certitude porte sur l’incapacité des uns à écouter les autres qui au mieux les auraient entendus.
Et, dès lors que l’effort de tout échange est condamné à l’échec, ce ne sont alors qu’expression de postures et recherche pressante du prétexte à la dérobade en déplaçant le sujet : information trop tardive, absence de contact, cible inappropriée, respect de normes, attentes sociétales, choix d’un moindre mal, responsabilités extérieures…
Au bout du compte il se dégage une masse d’approbateurs béats faite de ceux qui « marchent avec le courant ».
En d’autres temps ce sont aussi ces « Mitläufer » dont les rangs s’étaient grossis dans les années 30 pour accompagner la montée du nazisme qui confortèrent la position d’Hitler au pouvoir jusque dans ses pires agissements.
Cette forme de panurgisme insupporte toute opposition aux évolutions contestables, c’est la base d’un « populisme » mortifère pour la démocratie.
Face à la force qui impose et s’impose comme une évidence incontestable, c’est la résistance qui doit s’organiser et prendre la responsabilité d’agir.
Cette dialectique de l’autorité et de son opposition a toujours suscité des vocations de collaborations face à l’émergence de la résistance. L’histoire en est aussi pleine que les bribes de l’actualité conflictuelle du moment, qu’il s’agisse de la réforme des retraites, un projet de grande porcherie, de la réforme du bac...
Le confort paresseux de la collaboration expose malgré tout au désagrément du désaveu quand la force du nombre en prise avec l’intérêt général vient à bout des mercenaires des intérêts particuliers.
Les nostalgiques de la monarchie, comme ceux du pétainisme ou du temps des colonies en sont encore les preuves vivantes.
Des « grands » projets comme Europa City, le Center Parc de Roybon, l’aéroport de Notre Dame des Landes, la ferme des mille vaches ont suscité des résistances… Beaucoup d’autres l’auraient dû pour le bien de l’humanité et de la planète qui la porte dans le microcosme local comme à l’échelle de la planète.
Le bon sens suffit : il suffit de dire NON à la démesure et à l'accaparement particulier, de s’assurer de l’innocuité de l’action dans son environnement pour l'intérêt commun, c'est le prix du bien public porté par toutes les révolutions populaires comme en avait accouché la Résistance...
Il ne faut pas désespérer de la jeunesse, et les vieux grisons pourfendeurs de Greta Thunberg feraient bien de soigner leur ankylose intellectuelle dans les coulisses des chaines d'info qui les nourrissent.

Résister, c'est créer... Résister c'est exister...

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