mardi 20 juin 2017

10 de der.

Retraité(e) ou personne âgée ?
… chronique de la mort de la SECU.

Il ne s’agit pas d’ergoter sur les mots, et la question n’est pas celle d’un marchand de virgule ; elle pointe un choix idéologique de grande importance dans une orientation politique en marche héritée des dernières décennies pour en parachever le désastre.

« De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins » ou « Chacun pour soi », telle est la question !

La retraite fait référence à un passé de vie au travail et fait le lien entre celui qui travaille et celui qui a travaillé, le premier contribuant à la subsistance du second. C’est tout le sens de la solidarité intergénérationnelle des conquêtes sociales héritée de l’après-guerre. La pension de retraite financée sur les cotisations salariales employés et employeurs n’est autre qu’un salaire socialisé (plutôt que différé) qui, comme toutes les cotisations sociales, doit supporter le renouvellement de la force de travail fournie à l’employeur.

Quant à elle, la « personne âgée », elle n’est autre que celle qui naquit trois générations plus tôt avant de passer par le temps de sa jeunesse puis de sa « force de l’âge » au travail, ou désormais, d’emploi précaire en galères, ou assigné à résidence chez Pôle Emploi...

Là il n’est question que de la situation de la personne sur la frise chronologique de son temps et de sa position au vu de la logique économique du marché.
·         Le jeune coûte par l’attention qu’il demande à ses parents adultes et qui pour un temps les détourne d’une activité productrice directe. Il coûte aussi beaucoup par la formation qu’on lui consent pour qu’il devienne force de production.
·         L’adulte coûte par la rémunération de sa force de travail dès lors qu’on la sollicite dans la durée pour exploiter son expertise (l’esclavage évacuait cette contrainte de l’employeur qui faisait du travailleur jetable renouvelé dans une économie de cueillette). L’adulte coûte aussi du fait de ses « pannes » d’accident, de maladie ou d’inaptitude.
·         La personne âgée représente un coût encore plus important dès lors qu’on la considère comme sortie de la sphère utile à la production mais que sa vie devenant parfois plus difficile exige plus de moyens pour faire face à la perte de son potentiel.

D’où la création depuis quelques temps d’une catégorie supplémentaire qui n’est pas sortie du chapeau des démographes constatant l’augmentation du vieillissement des populations, celui d’un quatrième âge avec le temps de la perte d’autonomie. Les personnes âgées dépendantes existaient aussi par le passé. Leur prise en charge était différente dans une société dont le fonctionnement intergénérationnel était différent.
Dans le modèle actuel qui confine l’action publique dans la parenthèse du présent, les plus jeunes, comme les personnes âgées, et à fortiori encore plus celles qui ont perdu de leur autonomie, deviennent des charges pour la société qui doit financer leur subsistance à minima.
De la même façon, dans la sphère des activités productives, la rémunération du travail est désormais largement déconnectée de la valeur des produits qu’elle génère comme de la qualification de ses producteurs. Dans ce modèle économique, ce n’est qu’après que les activités productives de biens ou de services aient rémunéré grassement les actionnaires que, s’il en reste, on va devoir arbitrer les choix budgétaires des dépenses sociales sur des recettes fiscales de plus en plus inégalement perçues et en évacuant peu à peu la part des recettes de cotisations sociales.
Dès lors l’âge et le grand âge représentent des fardeaux pour la société. Au prétexte de les responsabiliser, les vieux sont désormais invités à contribuer à la charge qu’ils représentent. Ils ne sont plus que des parts de marché où vont se cultiver les profits des résidences seniors, des produits et activités spécifiques ou des services à la personne… Ce glissement vers la marchandisation de la vieillesse accompagne la dérive de la protection sociale dans le système assuranciel, éclatant la société solidaire en collections d’individus catégorisés en fonction de leurs ressources… aux unes les « sénioriales », à d’autres le dépaysement au Portugal ou au Maroc, et pour la grande majorité la galère de campagnes désertées par les services publics (et les services tout court) et les quartiers urbains tout aussi abandonnés.

Les années d’activité et de luttes syndicales des adhérents de la FGRFP ont été plus souvent jalonnées d’action pour la « défense d’acquis sociaux » que pour la conquête de nouveaux droits.
Aujourd’hui la priorité syndicale reste malheureusement aussi calée sur la défense d’acquis malmenés dans une situation qui ne cesse de se dégrader. De ce fait la communauté d’intérêt des actifs et des retraités rend primordiale l’établissement d’une plateforme revendicative globale pour déjouer tous les pièges de réformes d’emplâtres sur jambes de bois masquant l’amputation des droits. La détermination de nouveaux droits dans un monde qui change (et qui ne doit pas changer qu’au profit de quelques-uns !) n’en reste pas moins le premier pilier de l’action syndicale et qui justifie tout autant la liaison entre actifs et retraités pour discuter, temps et conditions de travail, rémunération et protection sociale, etc. face à des pouvoirs successifs qui n’ont de cesse de se plier aux règles de l’économie de marché qui fonde le profit de quelques-uns aujourd’hui sur la misère du plus grand nombre demain.


Et surtout avant tout faudra-t-il déjouer le piège d’une participation consensuelle à l’établissement d’un cadre institutionnel qui détermine des orientations contraires à nos mandats, à nos principes comme à nos convictions.


Le cadre de la FGRFP, de par la diversité de ses composantes, peut être le lieu d’une approche fédérative dans la riposte aux mesures qui se profilent pour les retraités comme pour les actifs.

Mais il est vrai que pour beaucoup mieux vaut voir les vieux au thé dansant ou au concours de belote que manifestant dans la rue.

Aucun commentaire: