Retraité(e) ou
personne âgée ?
… chronique de la mort de la SECU.
Il ne s’agit pas d’ergoter sur les mots, et la question n’est pas celle
d’un marchand de virgule ; elle pointe un choix idéologique de grande
importance dans une orientation politique en marche héritée des dernières
décennies pour en parachever le désastre.
« De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins » ou « Chacun
pour soi », telle est la question !
La retraite fait référence à un passé de vie au travail et fait le lien
entre celui qui travaille et celui qui a travaillé, le premier contribuant à la
subsistance du second. C’est tout le sens de la solidarité intergénérationnelle
des conquêtes sociales héritée de l’après-guerre. La pension de retraite
financée sur les cotisations salariales employés et employeurs n’est autre qu’un
salaire socialisé (plutôt que différé) qui, comme toutes les cotisations
sociales, doit supporter le renouvellement de la force de travail fournie à l’employeur.
Quant à elle, la « personne âgée », elle n’est autre que celle
qui naquit trois générations plus tôt avant de passer par le temps de sa
jeunesse puis de sa « force de l’âge » au travail, ou désormais, d’emploi
précaire en galères, ou assigné à résidence chez Pôle Emploi...
Là il n’est question que de la situation de la personne sur la frise
chronologique de son temps et de sa position au vu de la logique économique du
marché.
·
Le jeune coûte par l’attention qu’il demande à ses parents adultes et qui
pour un temps les détourne d’une activité productrice directe. Il coûte aussi
beaucoup par la formation qu’on lui consent pour qu’il devienne force de
production.
·
L’adulte coûte par la rémunération de sa force de travail dès lors qu’on
la sollicite dans la durée pour exploiter son expertise (l’esclavage évacuait
cette contrainte de l’employeur qui faisait du travailleur jetable renouvelé
dans une économie de cueillette). L’adulte coûte aussi du fait de ses « pannes »
d’accident, de maladie ou d’inaptitude.
·
La personne âgée représente un coût encore plus important dès lors qu’on
la considère comme sortie de la sphère utile à la production mais que sa vie
devenant parfois plus difficile exige plus de moyens pour faire face à la perte
de son potentiel.
D’où la création depuis quelques temps d’une catégorie supplémentaire
qui n’est pas sortie du chapeau des démographes constatant l’augmentation du
vieillissement des populations, celui d’un quatrième âge avec le temps de la
perte d’autonomie. Les personnes âgées dépendantes existaient aussi par le passé.
Leur prise en charge était différente dans une société dont le fonctionnement
intergénérationnel était différent.
Dans le modèle actuel qui confine l’action publique dans la parenthèse
du présent, les plus jeunes, comme les personnes âgées, et à fortiori encore
plus celles qui ont perdu de leur autonomie, deviennent des charges pour la
société qui doit financer leur subsistance à minima.
De la même façon, dans la sphère des activités productives, la
rémunération du travail est désormais largement déconnectée de la valeur des
produits qu’elle génère comme de la qualification de ses producteurs. Dans ce
modèle économique, ce n’est qu’après que les activités productives de biens ou
de services aient rémunéré grassement les actionnaires que, s’il en reste, on
va devoir arbitrer les choix budgétaires des dépenses sociales sur des recettes
fiscales de plus en plus inégalement perçues et en évacuant peu à peu la part
des recettes de cotisations sociales.
Dès lors l’âge et le grand âge représentent des fardeaux pour la
société. Au prétexte de les responsabiliser, les vieux sont désormais invités à
contribuer à la charge qu’ils représentent. Ils ne sont plus que des parts de
marché où vont se cultiver les profits des résidences seniors, des produits et activités
spécifiques ou des services à la personne… Ce glissement vers la
marchandisation de la vieillesse accompagne la dérive de la protection sociale dans
le système assuranciel, éclatant la société solidaire en collections d’individus
catégorisés en fonction de leurs ressources… aux unes les « sénioriales »,
à d’autres le dépaysement au Portugal ou au Maroc, et pour la grande majorité
la galère de campagnes désertées par les services publics (et les services tout
court) et les quartiers urbains tout aussi abandonnés.
Les années d’activité et de luttes syndicales des adhérents de la FGRFP
ont été plus souvent jalonnées d’action pour la « défense d’acquis sociaux »
que pour la conquête de nouveaux droits.
Aujourd’hui la priorité syndicale reste malheureusement aussi calée sur
la défense d’acquis malmenés dans une situation qui ne cesse de se dégrader. De
ce fait la communauté d’intérêt des actifs et des retraités rend primordiale l’établissement
d’une plateforme revendicative globale pour déjouer tous les pièges de réformes
d’emplâtres sur jambes de bois masquant l’amputation des droits. La
détermination de nouveaux droits dans un monde qui change (et qui ne doit pas
changer qu’au profit de quelques-uns !) n’en reste pas moins le premier
pilier de l’action syndicale et qui justifie tout autant la liaison entre
actifs et retraités pour discuter, temps et conditions de travail, rémunération
et protection sociale, etc. face à des pouvoirs successifs qui n’ont de cesse de se plier aux règles
de l’économie de marché qui fonde le profit de quelques-uns aujourd’hui sur la
misère du plus grand nombre demain.
Et surtout avant tout faudra-t-il déjouer le piège d’une participation
consensuelle à l’établissement d’un cadre institutionnel qui détermine des orientations
contraires à nos mandats, à nos principes comme à nos convictions.
Le cadre de la FGRFP, de par
la diversité de ses composantes, peut être le lieu d’une approche fédérative
dans la riposte aux mesures qui se profilent pour les retraités comme pour les
actifs.
Mais il est vrai que pour beaucoup mieux vaut voir les vieux au thé dansant ou au concours de belote que manifestant dans la rue.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire